L’expropriation pour les nuls : Définition, phases et recours
7 avril 2025

Fondement et étendue de la responsabilité d’un architecte à raison d’un déficit de surface du bien construit

Un récent arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 2024 vient préciser l’étendue de la responsabilité de l’architecte ( Civ. 3e, 7 nov. 2024, n° 23-12.315).

Le maître de l’ouvrage peut réclamer l’indemnisation d’un manque à gagner résultant de la non-conformité de l’ouvrage aux prévisions contractuelles si celle-ci est imputable à un locateur d’ouvrage. Viole, dès lors, l’article 1147 ancien du Code civil, une cour d’appel qui rejette la demande d’indemnisation formée par le maître de l’ouvrage contre l’architecte au motif qu’il ne peut être réclamé, sous couvert d’indemnisation, le remboursement d’une partie du prix de vente, lequel ne constitue pas un préjudice indemnisable.

Par contrat du 21 avril 2010, un maître d’ouvrage avait confié à un architecte la maîtrise d’œuvre de la construction d’un ensemble immobilier. Le 26 juin 2016, il avait assigné le maître d’œuvre en indemnisation du préjudice résultant d’un déficit de surface d’un des lots vendus après achèvement. En première instance puis en cause d’appel, la demande d’indemnisation dirigée contre l’architecte fut rejetée. La juridiction du second degré a d’une part retenu que l’architecte ne s’étant pas vu confier de missions dites « complémentaires », notamment pour ce qui concerne le calcul des superficies de l’ouvrage, aucun manquement dans l’exercice de ses missions ne pouvait lui être imputé ; d’autre part, elle considéra que l’indemnisation demandée, consistant dans la différence de prix inférée de la différence de surface, revenait à réclamer, sous couvert d’indemnisation, le remboursement d’une partie du prix de vente, lequel ne constitue pas un préjudice indemnisable.

Devant la Cour de cassation, le maître de l’ouvrage faisait valoir que la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil, devenu 1231-1 du même code, en refusant d’engager la responsabilité contractuelle de son cocontractant alors que l’architecte chargé d’une mission de maîtrise d’œuvre complète est responsable de la non-conformité de la construction aux plans qu’il a établis. En conséquence, le demandeur au pourvoi soutenait également qu’un maître d’ouvrage peut solliciter de l’architecte une indemnisation au titre de la construction d’un appartement dont la surface est inférieure à celle prévue par les plans, notamment par le biais de la perte de chance (ie, de vendre un bien à une surface supérieure), dont l’indemnisation sollicitée aurait dû être allouée.

Adhérant à la thèse du pourvoi, la Cour censure pour violation de la loi l’analyse retenue au fond. Elle juge l’architecte contractuellement responsable du déficit de surface du bien construit dès lors que, chargé d’une mission complète, laquelle incluait nécessairement la direction de l’exécution des travaux, il était tenu de veiller à une exécution conforme aux prévisions du contrat et aux plans établis, même en l’absence de mission particulière portant sur le mesurage des surfaces. En conséquence, il doit indemniser le maître de l’ouvrage de sa perte de chance de vendre un bien à une surface supérieure.

La Cour précise ainsi le périmètre des obligations de l’architecte titulaire d’une mission complète de maîtrise d’œuvre. Elle reconnaît également la possibilité pour le maître de l’ouvrage de solliciter, par la voie de la perte de chance, une indemnisation à raison d’un déficit de surface du bien construit.

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