La Bretagne est une des régions les plus touchées par les contaminations de mérule (Serpula lacrymans de son nom scientifique). Il s’agit d’un champignon se développant notamment sur les bois situés dans des lieux humides, obscurs et à l’atmosphère confinée. Le[1] mérule peut avoir des effets destructeurs sur les charpentes et planchers et peut même se développer sur les maçonneries. Ainsi, les travaux nécessaires à l’éradication du mérule peuvent s’avérer particulièrement complexes et coûteux. Pour autant, en cas d’achat d’un bien immobilier contaminé par le mérule, l’acquéreur peut demander réparation à diverses personnes étant intervenues lors de la vente.
Tout d’abord, le Code de la construction et de l’habitation, prévoit en son article L.126-5 que l’occupant ou le propriétaire d’un immeuble contaminé par le mérule doit en faire la déclaration en mairie. C’est sur la base de ces déclarations que le préfet pourra, par arrêté, délimiter des zones de présence d’un risque de mérule.
Ainsi, en cas de vente d’un immeuble se situant dans une zone où un risque de mérule a été identifié, la promesse de vente et l’acte de vente doivent obligatoirement contenir une « information sur la présence d’un risque de mérule » (article L.126-25 du Code de la construction et de l’habitation) qui devra figurer au sein du dossier de diagnostic technique (article L.271-4 du Code de la construction et de l’habitation).
Toutefois, cette obligation ne vise qu’une information sur le risque de présence de mérule. Elle ne sert qu’à informer l’acquéreur que le bien immobilier se situe dans une zone rendant probable une contamination par le mérule. Il ne s’agit pas d’une obligation de réaliser un diagnostic complet attestant de la présence ou de l’absence de mérule au sein de l’immeuble objet de la vente.
De plus, cette obligation ne concerne que les zones pour lesquelles ont été pris des arrêtés de délimitation des zones de présence de risque de mérule. Or, de nombreuses zones n’ayant pas fait l’objet d’une telle délimitation préfectorale font l’objet d’un nombre non négligeable de cas de contamination par le mérule. Ainsi, si de nombreux cas de contamination ont été recensés en Bretagne, seul le département du Finistère (29) a fait l’objet d’un arrêté préfectoral et celui-ci ne vise que 20 communes.
Pour autant, bien qu’en dehors de ces zones délimitées il n’existe aucune obligation d’information relative au risque de présence de mérule, les vendeurs d’un bien immobilier ainsi que les professionnels les accompagnant dans cette vente ont un intérêt à faire réaliser un diagnostic complet de l’immeuble permettant d’attester de la présence ou de l’absence de mérule.
En effet, les vendeurs, agents immobiliers et notaires sont susceptibles d’engager leurs responsabilités lorsqu’un bien immobilier ayant fait l’objet d’une vente était contaminé par le mérule et que les acquéreurs n’en ont pas été informés.
Tout d’abord, le vendeur est tenu à une obligation d’information. Par conséquent, lorsque le vendeur a connaissance de la présence de mérule dans le bien immobilier, ou bien s’il a, par le passé, fait réaliser un traitement de l’immeuble contre le mérule, il a l’obligation d’en informer l’acquéreur. A défaut, le vendeur est susceptible d’engager sa responsabilité permettant alors à l’acquéreur d’obtenir l’indemnisation des préjudices découlant de cette présence de mérule. L’article 1112-1 du Code civil prévoit également que l’acquéreur peut réclamer l’annulation du contrat de vente en cas de manquement du vendeur à son obligation d’information précontractuelle.
Lorsque les conditions sont réunies, l’acquéreur peut aussi agir envers le vendeur sur le fondement du dol. Toutefois, la preuve du dol peut parfois s’avérer délicate à rapporter dans la mesure où l’acquéreur doit justifier de l’existence d’une dissimulation intentionnelle, de manœuvres ou de mensonges.
Enfin, l’acquéreur peut agir contre le vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés prévue aux articles 1641 et suivants du Code civil. Cette garantie peut être invoquée si quatre conditions cumulatives sont remplies :
L’action doit alors être intentée dans les deux ans suivant la découverte du vice. Lorsque ces conditions sont réunies, l’acquéreur peut soit solliciter l’annulation de la vente, la restitution du prix et éventuellement réclamer des dommages et intérêts, soit conserver l’immeuble et obtenir une réduction du prix de vente.
Cependant, il est désormais de pratique courante d’insérer aux actes de vente une clause d’exclusion des vices cachés, si bien qu’une action sur ce fondement devient impossible. En revanche, le jeu de cette clause peut être écarté dans deux cas : lorsque le vendeur est un professionnel de l’immobilier ou de la construction ou lorsque le vendeur avait connaissance de la présence du vice au moment de la vente. Il convient de préciser que le vendeur ayant réalisé lui-même des travaux au sein de l’immeuble avant de le vendre est considéré par les tribunaux comme un professionnel ne pouvant donc se prévaloir de la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés.
Par ailleurs, la responsabilité des agents immobiliers peut parfois être engagée en cas de vente d’un immeuble contaminé par le mérule. La jurisprudence considère que les agents immobiliers sont tenus à une obligation de s’assurer de l’efficacité des conventions qui sont négociées par leur intermédiaire. La Cour de cassation a ainsi eu l’occasion de condamner un agent immobilier n’ayant pas porté à la connaissance des acquéreurs l’existence de travaux réalisés avant la vente pour traiter la présence de mérule (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 14 novembre 2019, n°18-21.971).
S’agissant des notaires, la jurisprudence considère que lorsqu’ils prêtent leur concours à la rédaction d’un acte, ils doivent notamment éclairer les parties et appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets de cet acte ainsi que sur les risques encourus. Ainsi, la Cour d’appel de Rennes a par exemple pu retenir la responsabilité d’un notaire pour manquement à son devoir de conseil dans la mesure où il n’avait pas alerté les acquéreurs sur le caractère incomplet du diagnostic parasitaire ainsi que sur les risques encourus qui pouvaient être prévenus par la réalisation de sondages complémentaires (Cour d’appel de Rennes, 1ère chambre, 28 septembre 2021, RG n°19/03771).
Enfin, les acquéreurs d’un bien contaminé par le mérule peuvent agir à l’encontre des diagnostiqueurs parasitaires sur le fondement de leurs responsabilités délictuelles. En effet, les diagnostiqueurs peuvent voir leurs responsabilités engagées lorsque leurs diagnostics n’ont pas été réalisés conformément aux normes édictées et aux règles de l’art et qu’ils se révèlent erronés (Cour de cassation, chambre mixte, 08 juillet 2015, 13-26.686). La Cour d’appel de Rennes retient que le diagnostiqueur qui réalise un rapport d’état parasitaire a l’obligation de mentionner les constatations qu’il a pu effectuer, mais aussi les conséquences qui doivent en être tirées, quant à la probabilité que ses constatations ne soient pas suffisantes pour poser un diagnostic sur l’état parasitaire de l’immeuble. Ainsi, lorsque l’immeuble diagnostiqué présente des suspicions de présence de mérule, le diagnostiqueur doit, selon la Cour d’appel de Rennes, conseiller la réalisation d’investigations complémentaires (Cour d’appel de Rennes, 1ère chambre, 02 février 2021, RG n°20/00106).
Par ces diverses actions en responsabilité, l’acquéreur pourra obtenir l’indemnisation de ses préjudices et notamment la prise en charge financière, par les responsables, des travaux de traitement de l’immeuble.
[1] L’usage tend à privilégier le féminin (« la mérule ») bien qu’il s’agisse d’un champignon (nom masculin). L’Académie française indique sur son site internet qu’il s’agit d’un nom masculin ou féminin.