Acquérir ou vendre un bien immobilier représente bien plus qu’une simple transaction : c’est souvent une décision lourde de conséquences, tant sur le plan patrimonial qu’émotionnel.
Ainsi, la passation d’un contrat de vente est un moment charnière, une étape importante dans la vie des français. C’est pour cette raison que la formation du contrat de vente obéit à des règles précises garantes de la sécurité juridique des parties.
En effet, tout contrat de vente repose sur un principe fondamental du droit des obligations : la rencontre de l’offre et de l’acceptation.
C’est l’article 1113 du code civil qui énonce ce principe : « Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.
Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur. »
Ainsi il faut comprendre que tous les contrats se forment par l’échange des consentements sur les éléments essentiels de celui-ci.
Cette rencontre peut, dans certains cas, paraître évidente mais elle peut aussi être source de confusion et d’ambiguïté lorsque des termes imprécis ou des malentendus viennent brouiller l’échange des consentements. Ainsi, ce qui constitue un engagement pour l’un ne saurait l’être nécessairement pour l’autre.
Dans ce cas, la solution dépendra entièrement de la rédaction de l’offre et/ou de l’acceptation.
L’offre peut être définie comme l’acte juridique unilatéral par lequel une personne émet une proposition ferme et précise en vue de former un contrat. Ces 2 conditions sont très importantes et sont cumulatives. Ainsi :
L’acceptation est aussi un acte unilatéral et est définie par l’article 1118 du code civil comme « la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre ».
Elle aussi doit répondre à des conditions précises pour être considéré comme tel, elle doit notamment être conforme à l’offre, c’est-à-dire accepter toutes les conditions de l’offre sans ambigüité. Si l’acceptation ne correspond pas exactement aux termes de l’offre, elle ne constitue pas une véritable acceptation mais s’analyse en une contre-offre. Dans ce cas, la formation du contrat reste subordonnée à l’acceptation de cette nouvelle offre par l’autre partie.
La jurisprudence est venue apporter des précisions sur ces points, permettant de mieux apprécier la distinction entre une véritable offre, une simple invitation à entrer en pourparlers et une contre-offre.
Parfois, une proposition ne peut être qualifiée d’offre ou d’acceptation en raison de l’absence de certaines conditions essentielles.
La cour d’appel de Lyon a jugé qu’une personne souhaitant vendre son appartement et qui a envoie un message aux copropriétaires mentionnant le bien à vendre ainsi qu’une fourchette de prix, n’avait pas émis d’offre précise. En effet, indiquant qu’il comptait demander « un prix de 26 500 euros, voire 26 000 euros » le vendeur a montré qu’il était ouvert à la négociation. Par conséquent, toute réponse à son message, exprimant une volonté d’achat à un prix précis, compris dans cette fourchette, ne constituait pas une acceptation, mais une contre-offre que le vendeur était tenu d’accepter pour que la vente soit formée (cour d’appel de Lyon, 12 janvier 2023, 20/06891).
En outre, la jurisprudence admet de manière constante qu’une proposition n’est pas une offre au sens du code civil si elle ne précise pas de manière suffisante le bien concerné, notamment son adresse complète ou son numéro lorsqu’il s’agit d’un appartement.
La cour de cassation a également estimé que lorsqu’une offre d’achat stipule qu’en cas d’acceptation de l’offre, un acte sous seing privé sera établi pour préciser toutes les modalités de la vente et l’ensemble des conditions suspensives particulières, l’existence de la vente est subordonnée à la rédaction de cet acte sous seing privé. Dans ce cas l’offre d’achat ne constitue pas un contrat de vente parfait, mais relève de pourparlers contractuels (Civ. 3e, 11 mai 2023, n° 22-11.287).
Cependant, il faut noter qu’il n’est nul besoin de réitérer les consentements sous la forme d’une promesse de vente pour parfaire la vente si rien n’est indiqué dans l’offre ou l’acceptation (Civ. 3e, 22 juin 2023, n° 22-16.498).
Ainsi, pour résumé les éléments précités, le principe, selon lequel la rencontre de l’offre et de l’acceptation suffit à parfaire la vente, est applicable « dès lors qu’il n’est mentionné dans l’offre et l’acceptation aucune condition de perfection de la vente ni aucune pièce démontrant que les parties avaient d’un commun accord soumis à la rencontre de leurs volontés respectives de vendre et d’acquérir à des conditions particulières restant à négocier » (Cour d’appel de Paris, 1er décembre 2023, n°22/06266)
En outre, certains éléments ne sont pas nécessaires pour considérer la vente comme valable, dès lors qu’il y a eu rencontre d’une offre et d’une acceptation :
Par exemple, la Cour de cassation a estimé que lorsque la proposition d’achat mentionne de façon précise le bien et le prix, son acceptation suffit à conclure la vente, même si les modalités de paiement ne sont pas encore déterminées : le vendeur ne peut plus se rétracter (Civ 3e, 16 mars 2022, n° 21-10.586)
Dans le même sens, elle a aussi estimé que la vente était formée malgré le fait que l’offre ne mentionne ni les modalités de financement ni le délai de signature de l’acte authentique (Civ 3e, 30 novembre 2022, n° 21-24.436).
S’agissant de l’acceptation, elle doit être conforme en totalité à l’offre et doit reprendre chaque élément de celle-ci (article 1118 al 2 Cciv). Ainsi, la cour d’appel de Pau a estimé que la simple signature des vendeurs sur une offre d’achat, sans mention explicite de leur acceptation, ne constitue pas une acceptation ferme et définitive. La vente n’était donc pas parfaite en l’absence de manifestation claire de leur volonté (Cour d’appel de Pau, 1ère chambre, 25 octobre 2022, n° 20/02087).
Aussi, le simple fait, pour les vendeurs, de demander la préparation d’un projet de compromis de vente au notaire ne suffisait pas à démontrer l’acceptation sans équivoque de l’offre d’achat par les vendeurs (Cour d’appel de Nîmes, 1ère chambre, 11 mai 2023, n° 22/00662).
En outre, il faut rappeler que le silence ne peut valoir acceptation comme le rappel l’article 1120 du code civil, « à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulière ».
Parfois, même si une offre a été faite et acceptée, une erreur sur un élément essentiel peut remettre en cause l’accord sur la chose et le prix. La cour d’appel de Bordeaux a estimé que l’erreur sur la surface précisée dans l’offre caractérisait une absence d’accord précis et empêchait alors la formation parfaite de la vente (Cour d’appel de Bordeaux, 12 septembre 2024, 22/02758) : l’offre précisait une contenance de 388 m² alors qu’après certificat de mesurage la superficie du bien n’était que de 368,80 m².
Le fait de s’accorder sur ce qui est en réalité une erreur empêche ainsi la rencontre de l’offre et de l’acceptation.
Toutefois, il est important de rappeler un principe important en la matière : la personne qui émet une offre peut toujours la rétracter tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire (article 1115 Cciv).
Ici, la notion de « destinataire » ne doit pas être interprétée de manière restrictive comme visant uniquement une personne déterminée, elle inclut également les offres faites au public.
Si l’offre est parvenue au destinataire, l’offrant peut également rétracter son offre en respectant un délai raisonnable (article 1116 Cciv). Ce délai raisonnable est en réalité assez court.
Cependant même si ce délai raisonnable n’est pas respecté, il ne peut y avoir formation du contrat dans le cas où l’acceptation interviendrait après la rétractation (article 1116 al 2 Cciv). Des dommages et intérêts pourront toutefois être sollicités.
Si l’offre contient un délai pendant lequel l’offrant s’est interdit de se rétracter, l’offre constituera, dans ce cas, un engagement unilatéral et l’acceptation formée pendant ce délai formera une vente parfaite, peu importe la rétractation de l’offre (Cass. Civ 3è, 7 mai 2008 n°07-11.690).
Dans tous les cas, la vente sera parfaite lorsque l’acceptation sera intervenue avant la rétractation de l’offre. En effet, une fois que l’acceptation est reçue, le contrat est formé, ce qui empêche toute rétractation de l’offre.
Toute contestation de la part de l’offrant, retardant ainsi la formation de la vente, pourra être sanctionnée si elle cause des préjudices. C’est ce qu’a rappelé la cour d’appel de Toulouse ayant admis que la rupture injustifiée engageait la responsabilité de l’offrant ; lequel a été condamné à verser 7 341,94 € aux acquéreurs en réparation de leur préjudice moral et matériel, ceux-ci ayant dû louer un logement dans l’attente de la réalisation de la vente (CA Toulouse, 10 janvier 2023 n°20/03671).
S’agissant de la personne qui émet une acceptation, cette dernière peut également se rétracter mais à certaines conditions : si l’acceptation n’est pas parvenue à l’offrant, elle peut être librement rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l’offrant avant l’acceptation (article 1118 al 2 Cciv).
Pour conclure, les décisions précitées illustrent l’importance de la présence de chaque mot et de chaque phrase dans une proposition. Ainsi, avant d’émettre une offre, il est essentiel de bien s’informer et de la rédiger avec précision afin qu’elle produise les effets juridiques attendus.