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LE SORT DES LOCATIONS TOURISTIQUES DE COURTE DUREE AU SEIN D’IMMEUBLES EN COPROPRIETE

Selon l’association Tourisme Bretagne, plus de 60 000 annonces actives (ayant fait l’objet d’au moins une réservation) ont été recensées sur les plateformes Abritel et Airbnb sur l’année 2022 en Bretagne. L’association relève également que près d’un tiers de ces annonces concernent des logements de types Studios, T1 ou T2[1].

Ces types de logements se situant, dans la majorité des cas, au sein d’immeubles collectifs organisés en copropriété, les intérêts des propriétaires de meublés de tourisme peuvent parfois difficilement se concilier avec ceux des syndicats de copropriétaires souhaitant préserver la tranquillité de leurs immeubles.

Que dit la loi sur la location touristique de courte durée ?

En principe, les copropriétaires sont libres de jouir comme ils l’entendent de leurs lots de copropriété. A ce titre l’article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que « chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble […] ».

Cependant, l’article 8 de cette même loi prévoit que la destination de l’immeuble est fixée par le règlement de copropriété et ajoute que ce règlement de copropriété peut restreindre les droits des copropriétaires, à la condition toutefois que ces restrictions soient conformes à la destination de l’immeuble.

Ainsi, dans un premier temps, un syndicat des copropriétaires peut s’opposer à la location touristique de courte durée au sein de son immeuble dans l’hypothèse où le règlement de copropriété l’interdit. Cette interdiction peut être expresse, c’est-à-dire que le règlement de copropriété interdit précisément la location de meublés de tourisme à une clientèle de passage. Mais cette interdiction peut également être indirecte, par exemple en prohibant la réalisation de certains travaux.

A titre d’illustration, dans le cas d’un immeuble à usage d’habitation bourgeoise et autorisant l’exercice d’une profession libérale, la Cour d’appel de Paris a pu juger valable la clause d’un règlement de copropriété interdisant la transformation d’un lot de copropriété en plusieurs chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes[2].

Il est toutefois impératif que ces interdictions soient cohérentes avec la destination de l’immeuble, car elles pourraient à défaut être réputées non écrites.

Par ailleurs, dans un second temps, même en l’absence d’interdiction expresse, le syndicat des copropriétaires peut tout-de-même s’opposer à la location de meublés de tourisme en avançant que cette location immobilière n’est pas conforme à la destination de l’immeuble.

En effet, l’activité de location touristique de courte durée est considérée comme une activité commerciale[3], sauf dans l’hypothèse exceptionnelle où elle ne vise que la location d’un local à usage d’habitation constituant la résidence principale du loueur pour une durée maximale de quatre mois[4].

Les récentes décisions de justice sur la location courte durée

La Cour d’appel de Lyon a justement jugé récemment que « l’activité de location de courtes durées au sein d’un appartement désigné comme étant à usage d’habitation contrevient à la destination d’un immeuble ayant vocation à être occupé bourgeoisement, de telles locations engendrant nécessairement des allées et venues constants de personnes différentes, étrangères à l’immeuble, ce qui est source de nuisances et n’est pas la vocation d’un immeuble à vocation bourgeoise »[5].

Cette solution est par ailleurs conforme à la position de la Cour de cassation dégagée dans un arrêt du 08 mars 2018 aux termes duquel elle avait considéré que la location de meublés de tourisme ne correspondait pas à la destination fixée par le règlement de copropriété comme étant « principalement à usage d’habitation, avec possibilité d’usage mixte professionnel-habitation et à l’exclusion de toute activité commerciale »[6].

Un syndicat des copropriétaires peut donc s’opposer à la location touristique de courte durée au sein de son immeuble dès lors que le règlement de copropriété n’autorise pas l’exploitation d’activités commerciales en son sein.

Enfin, la jurisprudence considère que le non-respect par un copropriétaire de la destination de l’immeuble constitue un trouble manifestement illicite au sens de l’article 835 du Code de procédure civile[7].

Par conséquent, en cas de location de meublés de tourisme dans un immeuble dont le règlement de copropriété ne l’autorise pas, le syndicat des copropriétaires à la faculté de saisir le juge des référés afin d’obtenir rapidement une décision de justice ordonnant sous astreinte la cessation de ce trouble.


[1] https://pro.tourismebretagne.bzh/etudes/frequentation-des-locations-meublees-bilan-2022/#

[2] Cour d’appel de Paris, Pôle 1, Chambre 8, 25 octobre 2019, n°18/04221

[3] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 27 février 2020, n°18-14.305

[4] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 18 février 2021, n°19-13.191

[5] Cour d’appel de Lyon, Chambre 8, 16 novembre 2022, n°22/00478

[6] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 08 mars 2018, n°14-15.864

[7] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 1ère et 2ème chambres réunies, 25 mars 2021, n°19/18856

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