La Cour de cassation précise sa jurisprudence à propos des installations photovoltaïques

Les installations photovoltaïques intégrées aux bâtiments n’en finissent pas d’alimenter la jurisprudence de la 3ᵉ chambre civile. Leur caractère hybride, à la fois élément technique producteur d’électricité et composant du clos, et couvert, met à l’épreuve les catégoriques classiques du droit de la construction. L’arrêt de la 3ᵉ chambre civile de la Cour de cassation du 25 septembre 2025, n°23-22.955, illustre cette complexité et constitue une affaire symptomatique des hésitations sur le photovoltaïque.

Les faits d’espèce

Une société exploitante avait confié à la société TCE Solar, assurée auprès d’Axa, la construction d’une centrale photovoltaïque intégrée en toiture. Le procédé de construction consistait à fixer des bacs en acier sur la charpente afin d’y intégrer des « modules photovoltaïques ».

Des désordres apparaissaient rapidement. Les boîtiers de connexion équipant les modules se révélant défectueux et risquant d’entrainer un incendie rendaient l’installation impropre à sa destination. Une expertise judiciaire était diligentée et la responsabilité de l’installateur recherchée.

La société Axa, son assureur, était assignée en garantie, l’exploitant soutenant que l’installation photovoltaïque constituait un ouvrage soumis à garantie décennale. La Cour d’appel de Bordeaux devait donner raison au maître d’ouvrage et considérer que l’ensemble de l’installation, à savoir les bacs métalliques et les modules photovoltaïques constituaient un ouvrage participant à la toiture et donc soumis à garantie décennale.

La Cour de cassation dans un arrêt du 25 septembre 2025, n°23-22.955, publié au Bulletin devait casser cette décision estimant que les juges du fond n’avaient pas suffisamment distingué entre toiture et modules.

L’article 1792-7 du Code civil

Cette décision se comprend à l’aune de l’article 1792-7 du Code civil, lequel exclut de la garantie décennale les équipements dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage.

Pour la Cour de cassation, la cour d’appel n’avait pas recherché si les modules photovoltaïques litigieux ne constituaient pas de simples équipements professionnels, indépendamment du rôle de couverture assuré par la toiture métallique.

Le message est clair : il faut désormais analyser séparément chaque composant et ne pas raisonner par assimilation globale. Cet arrêt s’inscrit dans une série de décisions qui en quelques années, ont progressivement affiné la grille de lecture.

Les arrêts de 2022 et 2023 – l’intégration suffit à écarter l’article 1792-7

Dans un premier temps, la 3ᵉ chambre civile de la Cour de cassation avait admis une approche plus globale.
Dans un arrêt du 21 septembre 2022, n° 21-20.433 : elle avait censuré une cour d’appel qui avait appliqué l’article 1792-7 alors même qu’elle constatait que les panneaux photovoltaïques participaient à la réalisation de la couverture en assurant une fonction de clos, couvert et d’étanchéité.
Dans un arrêt du 8 juin 2023, pourvoi n° 21-25.960 : elle confirmait que l’article 1792-7 du Code civil devait être écarté dès lors que les panneaux avaient été intégrés à la toiture, peu important leur finalité énergétique.

Le tournant du 21 mars 2024 – la fin des quasi-ouvrages

L’arrêt du 21 mars 2024 (Cass. 3ᵉ civ., n°22-18.694, publié au Bulletin) bien que relatif aux éléments d’équipement non professionnel avait déjà nettement fermé la porte à la théorie des quasi-ouvrages en tranchant que :

  • Si un élément d’équipement est installé par remplacement ou adjonction sur un ouvrage existant, il ne devient pas pour autant un ouvrage ;
  • La portée de cette décision est importante : même si les désordres sont graves et rendent l’immeuble impropre à sa destination, ils ne relèvent ni de la garantie décennale, ni de la garantie biennale, mais uniquement de la responsabilité contractuelle de droit commun, laquelle échappe à l’assurance décennale obligatoire des constructeurs.

La Cour de cassation semble donc une nouvelle fois dans le cadre de l’arrêt du 25 septembre 2025 resserrer le périmètre de la garantie légale en refusant toute extension automatique aux équipements ajoutés, quelle que soit la nature du désordre ou leur incorporation.

Une nuance doit cependant être apportée

Dans l’arrêt du 21 mars 2024 : la Cour de cassation tranche en principe que l’adjonction d’un équipement sur un existant ne transforme pas l’équipement en ouvrage.

Dans l’arrêt du 21 septembre 2025 : elle rappelle que même lorsqu’un équipement est intégré dans une toiture, il faut distinguer soigneusement ce qui relève du clos/couvert (ouvrage) et ce qui reste un équipement professionnel (modules photovoltaïques).

La cour constatant l’échec de sa jurisprudence du 15 juin 2017- laquelle avait retenu que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relevaient de la responsabilité décennale dès lors qu’ils rendaient l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination – entend désormais circonscrire l’extension de cette garantie.

En pratique, les professionnels avaient en effet relevé que cette jurisprudence n’avait pas conduit les entreprises installant des éléments d’équipement à souscrire davantage d’assurances décennales. La Cour de cassation cherche donc aujourd’hui à éviter que la garantie décennale ne soit dévoyée en une garantie générale couvrant tout dysfonctionnement d’équipement en particulier dans les secteurs à forte valeur industrielle.

Ces arrêts doivent entrainer une vigilance accrue

Pour les maîtres d’ouvrage : l’illusion d’une couverture automatique par la décennale doit être dissipée. L’adjonction ou le remplacement d’un équipement peut n’ouvrir droit qu’à la responsabilité contractuelle de droit commun.
Pour les constructeurs et leurs assureurs : la Cour de cassation confirme qu’ils ne seront pas systématiquement garants des défaillances d’équipement sophistiqués. C’est une protection bienvenue face à des risques industriels lourds.
Enfin pour les praticiens du droit : l’identification de la fonction de l’équipement (constructive ou professionnelle) est désormais décisive.

Les assureurs pourront ainsi continuer à opposer l’article 1792-7 du Code civil pour exclure leur garantie sur les modules photovoltaïque.
Cet arrêt de prudence montre que le contentieux du photovoltaïque est encore loin d’avoir livré tous ses développements.

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